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Coaching et stratégie

Les mécanismes du blocage décisionnel

13/10/2024

Les mécanismes du blocage décisionnel

“Un homme doit choisir. En cela réside sa force : le pouvoir de ses décisions.” Paulo Coelho.

 

Les humains, une espèce condamnée à décider.


Avez-vous déjà pris conscience que nous sommes tous condamnés à prendre des décisions, quelle que soit la situation ? Même le simple fait de ne pas décider est en soi une décision. Nous sommes constamment confrontés à cette réalité : peser les pour et les contre, envisager les conséquences, et finalement choisir une option parmi plusieurs.

 

Décider est une part intégrante de notre nature humaine, aussi inévitable que la couleur de nos yeux. Chaque jour, dans tous les aspects de notre vie, nous prenons des milliers de décisions. Selon une recherche publiée par le géant de la téléphonie Huawei en 2017, nous prenons en moyenne environ 35 000 décisions par jour. Etymologiquement, décider vient du latin "de-cædere", signifiant "recouper, abattre, trancher", soulignant ainsi l'acte de choisir une option en tranchant les autres possibles. 

 

Or, plus une décision est perçue comme importante, ou ayant un impact émotionnel élevé, plus elle devient difficile à prendre. L'incertitude quant aux résultats futurs complique encore davantage le processus décisionnel.

 

 

Comment sortir de l’impasse décisionnel ?


En effet, d’un point de vue temporel, prendre une décision, se situe dans le futur en ce sens qu’opérer un choix, équivaut toujours à faire une projection dans le futur ; futur qui est, lui, par définition, inconnu et incertain. 

 

Nous pouvons en prédire une partie, certes, sur la base de notre bagage d’expériences passées et des éléments de connaissance présents, dont nous disposons. Le passé détermine notre réaction devant certaines situations présentes, par similarité avec d’autres, vécues précédemment. Cependant, contrairement à ce que nous pourrions penser, ce n’est pas tellement notre passé, mais plutôt nos projections dans le futur qui influencent énormément nos actions présentes : par exemple, notre dernière action avant de nous endormir, est de mettre le réveil pour le lendemain …

Donc, prendre des décisions a cette caractéristique fondamentale, d’appartenir au futur, un futur que nous ne pouvons connaître à l’avance, pour la simple et bonne raison qu’il ne dépend pas uniquement de notre contrôle. 

 

Et c’est là, dans l’effort de contrôler l’incontrôlable, que nous allons en tilt, en percevant que personne, ne peut nous dire si une décision que nous allons prendre sera la bonne et aucune technique ne pourra nous le garantir. Toutes les dizaines de méthodes de decision-making, projection, savant calculs, dashboards et études de marché qui ont fait la fortune des consultants et sont utilisés à profusion dans les entreprises, ne pourront jamais produire une certitude. 

 

Alors je réitère ma question : comment sortir de l’impasse ? 

 

On n’en sortira pas, car on rentre dans le domaine des paradoxes. Notre condition humaine nous oblige à prendre des milliers de décisions chaque jour et ce, sans aucune certitude que nous déciderons pour le mieux et sans aucune aide efficace à cette prise de décision. 

 

Les paradoxes liés à la prise de décision


En revanche, nous allons pouvoir détecter trois paradoxes qui entraves souvent notre capacité à prendre des décisions :

 

1.       L’excès d’information peut paralyser le processus décisionnel en introduisant trop d’options (voir mon article « L’ombre d’un doute »). Dans un monde hyperconnecté où l'information est abondante, choisir peut devenir accablant. Nous sommes submergés par des données, des opinions et des recommandations, ce qui rend difficile la prise d'une décision éclairée : les variables de raisonnement sont trop nombreuses. N’avez-vous jamais remarqué combien de temps vous passez à choisir un film sur Netflix ? Hormis les séries, pour lesquelles on va à coup sûr, vous commencez à « scroller », en faisant défiler les titres … tiens, une bande d’annonce sympa, mais peut-être y a-t-il un autre titre plus intéressant ? Les minutes, les demi-heures passent, jusqu’à ce qu’il se fasse trop tard et que vous vous endormiez après les premières 15 minutes de votre film choisi …

 

2.     L'accumulation de connaissances complexifie le raisonnement, ajoutant des variables auparavant inconnues et rendant la décision encore plus difficile. Plus nous en savons, plus nous sommes conscients des implications de nos décisions et plus cette connaissance accrue peut nous rendre hésitants.

 

3.     Demander l'avis des autres peut soit clarifier soit compliquer la décision, selon le niveau de confiance accordé à ces avis. Si nous avons confiance en la personne consultée, son avis peut nous aider à éclaircir nos idées et débloquer notre décision. Cependant, si nous accordons peu de crédit à l'avis donné, cela peut simplement ajouter à la confusion et au doute.

 

 

L’après : comment savoir si une décision prise est « la bonne » ?


Il n’existe pas de « bonne » ou de « mauvaise » décision, objectivement parlant. Le contexte, les personnes impliquées et les conséquences jouent un rôle crucial dans l'évaluation d'une décision. Face à cette incertitude, interagir avec nos choix et évaluer leurs effets immédiats peut nous guider vers une décision plus adaptée : s’ils ne nous conviennent pas, nous ferons un pas en arrière et reprendrons une décision et ainsi de suite, jusqu’à nous approcher au plus près de la bonne décision par rapport à nous-mêmes, à nos intentions, besoins, objectifs, contraintes.

 

Sensations et décisions une bataille impair ?


La peur est souvent un obstacle majeur dans le processus de décision. De quoi avons-nous peur, au moment de décider ? De ne pas pouvoir en gérer les conséquences. 

 

Donc voilà à quoi se résume la prise de décision : à la gestion de la peur. Et si, comme le souligne Dan Brown, 

 

« Les décisions de notre passé sont les fondations de notre présent », 

 

Nous ne sommes que le produit des peurs que nous avons dépassées et des scénarii que nous avons gérés, en conséquence des décisions que nous avons prises. Or, il existe beaucoup de techniques pour dépasser ses peurs, beaucoup de stratagèmes. Néanmoins, en ultime analyse, une seule question mérite d’être posée : 

 

« Une fois cette décision prise, serais-je capable de gérer les difficultés qu’elle peut-engendrer ? » 

 

Autrement dit, questionnons nos ressources. Étudions les scénarii qui s’ouvrent à nous, suite aux différents choix possibles : ressentons-nous avoir les ressources pour gérer chacun d’entre eux ? Si la réponse à cette question est non, deux sont les options : décider de ne rien faire (et gérer le scénario qui en découle …) ou travailler sur notre incapacité de gestion des difficultés évoquées. J'aimerais conclure en reprénant les mots de l’écrivain arménien Gurdjeff, 

Face à l’indécision de faire ou ne pas faire quelque chose, faites-la : au pire, vous apprendrez une leçon.

 

Crédits : Article inspiré par une conférence de Stefano Bartoli, psychologue, coach, auteur, enseignant et Directeur des opérations du Centre de Thérapie Stratégique fondé par Giorgio Nardone et Paul Watzlawick à Arezzo – Italie.

Estime de soi : une histoire de relation(s)

09/09/2024

Estime de soi : une histoire de relation(s)

Un diamant multi-facettes.


L’estime de soi est la valeur que nous nous accordons et résulte d'un dialogue intérieur complexe et continu avec nous-mêmes. De ce fait elle est constamment influencée par notre perception de nous-mêmes et les retours que nous recevons des autres, elle n’a donc rien d’objectif. Du point de vue de sa composition, elle comporte : des ingrédients cognitifs, comme le bagage de connaissances que nous avons acquises tout au long de notre vie ; des éléments émotionnels, qui ont trait à notre capacité de comprendre, communiquer et réguler nos émotions, et des aspects sociaux, qui appellent en cause notre capacité de nous adapter à l’environnement socio-culturel où nous vivons et de l’influencer en retour.

 

L’auto-évaluation est un processus intrinsèque à la nature humaine, l’un des « compagnons de route » dont nous ne pouvons pas nous passer : nous sommes amenés à nous auto-évaluer dans chacune de nos expériences de vie. Mais de toutes les opinions, plus ou moins trompeuses, que nous nous formons sur nous-mêmes, deux concourent à déterminer notre niveau d’estime de nous-mêmes dans une mesure plus importante. La première : nous nous aimons d’autant plus, que les personnes de notre entourage, importantes pour nous, nous témoignent de leur support, accueil, disponibilité, amour, admiration. La deuxième opinion cruciale qui nous permet de nous attribuer une valeur est de nous sentir capables, autrement dit l’auto-efficacité : nous ressentons de pouvoir atteindre les objectifs que nous nous fixons. Ces deux aspects sont complémentaires et l’un ne peut pas remplacer l’autre. 

 

Ces premiers éléments nous laissent entrevoir l’estime de soi comme une composante essentielle de notre bien-être émotionnel et de notre développement personnel ; néanmoins, son équilibre est fragile et peut être perturbé par des mythes qui circulent autour de ce concept crucial.

 

 

Quels mythes entourent l’estime de soi ?


Le premier mythe et sans doute le plus pernicieux, est celui de la génétique. Beaucoup pensent que l'estime de soi est héritée, mais en réalité, elle se construit chaque jour en surmontant les défis de la vie. Il n'y a pas de gène de l'estime de soi, seulement un engagement constant à s'améliorer.

 

Un deuxième mythe dangereux réside dans l'idée qu'il existe des recettes universelles, pour renforcer son estime de soi. Or, chaque individu est unique, et ce qui fonctionne pour l'un peut ne pas fonctionner pour l'autre. Il n'y a pas de solution miracle, seulement un cheminement personnel à découvrir et à poursuivre.

Un troisième mythe répandu est que les compliments des autres sont suffisants pour nourrir notre estime de soi. Certes, les retours positifs sont importants, mais ils ne peuvent jamais remplacer totalement une estime de soi fondée sur la confiance en soi et ses propres capacités.

 

Enfin, le dernier mythe, aussi préjudiciable que les précédents, est celui selon lequel il faut se jeter tête baissée dans chaque défi, pour renforcer son estime de soi. En réalité, cela peut mener à l'épuisement professionnel, personnel et à une perte de connexion avec ses propres valeurs.

 

Est-il vraiment nécessaire d'avoir de l'estime de soi ?


Il est essentiel de comprendre que l'estime de soi conditionne notre façon de penser, de ressentir et d'agir. Elle est le fondement de notre relation avec nous-mêmes et avec les autres. Les blessures de l'estime de soi peuvent s'accumuler jusqu'à devenir pathologiques par certains aspects. La différence fondamentale entre ceux qui ont de l'estime de soi et ceux qui n'en ont pas réside dans leur attitude face aux événements négatifs de la vie. Ceux qui ont de l'estime de soi voient chaque obstacle comme une opportunité, tandis que ceux qui n'en ont pas renoncent et abandonnent très facilement.

 

Comment cultiver une estime de soi solide et authentique ?


Nous pouvons la construire en nous engageant quotidiennement dans un processus d'auto amélioration en tant que personnes. Cela implique de prendre soin de notre corps, de nourrir nos relations, de poursuivre nos passions. Faire tout cela nous aidera à rester concentrés sur nos véritables priorités, sur nos valeurs réelles. 

 

Ainsi, nous ne poursuivrons que les objectifs qui nous tiennent vraiment à cœur, sans nous égarer sur des chemins alternatifs qui risqueraient de nous embrouiller. De cette manière, nous danserons dans cette gymnastique quotidienne, dans cet exercice quotidien, parfois empreint de fatigue, de sueur, de larmes et d'efforts, mais concentrés sur notre croissance personnelle. Cela nous permettra de percevoir chaque événement de notre vie, chaque expérience, non pas comme un succès ou un échec, mais comme une opportunité de nous améliorer un peu plus. 

 

Dans une très belle métaphore de Fabrice Luchini, "pour que l’autre et notre relation à l’autre résonne en nous tel un accord musical, nous avons besoin d’avoir d’abord appris à jouer de cet instrument sublime qu’est notre être, autrement cet accord tombera dans le vide ". 

Sur le plan relationnel aussi, nous avons tout intérêt à apprendre à « jouer notre accord intérieur » : nous nous sentirons plus capables, plus aimés, et fort probablement, nous plairons un peu plus aux autres.

 

En fin de compte, l'estime de soi est un voyage sans fin vers la meilleure version de nous-mêmes. C'est un défi constant mais gratifiant, qui nous permet de nous sentir plus compétents, plus aimés et plus en phase avec nous-mêmes et avec le monde qui nous entoure.

 

Article inspiré d’une conférence de Lara Ventisette, psychologue, psychothérapeute, chercheuse associée au Centre de Thérapie Stratégique de Arezzo (Italie), auteure, enseignante à l’école de spécialisation en psychothérapie brève et stratégique, coordinatrice didactique du Master en psychologie clinique stratégique, siège de Bologne. 

L’ombre d’un doute

08/07/2024

L’ombre d’un doute

Peut-il le raisonnement devenir source de souffrance ? 


Le raisonnement accompagne toute notre existence et, depuis l’antiquité classique, dans la culture occidentale, le raisonnement linéaire, bien construit, est soutenu et amplifié comme étant le moyen pour connaître la vérité des choses. Néanmoins, il peut parfois nous jouer de mauvais tours.

 

Lorsque, par exemple, nous analysons dans les moindres détails une situation pour opérer un choix, une méthode aussi connue que trompeuse est la très classique liste "pour ou contre" : sur une feuille divisée en deux, nous listons d'un côté les points en faveur d'un choix, de l'autre côté les points contre ce même choix ; tel sur une balance, le plat qui pèsera plus lourd nous donnera la réponse sur le choix à faire. Parfait, le raisonnement ne fait pas un pli, sauf que … c’est la prémisse à être erronée : elle présuppose, en fait, que nous considérons tous les tenants et aboutissants de la situation à analyser. Or, comment pouvons-nous avoir la certitude de recouper la situation en tenant compte de toutes ses composantes ?

 

Et encore, le problème ne s’arrête pas là. Plus on cherche et on analyse, plus on se perd et on se fatigue. Résultat des courses : un épuisement qui est second en intensité, seulement à la frustration de ne pouvoir toujours pas choisir. 

 

Les économistes nous rejoignent sur ce constat et nous apprennent (Richard Thaler, père de l’économie comportementale et prix Nobel en 2017 pour ses travaux sur l’irrationalité économique des choix individuels) que nos choix, même ceux économiques, qui devraient être le fruit d’algorithmes infaillibles, sont souvent fait de façon plutôt instinctuelle, émotionnelle, que raisonnée et scientifique.  

 

Donc, lorsque notre rationalité devient hyper-rationalité, soit elle nous bloque, soit elle nous fait faire complètement fausse route, en alimentant une conviction très répandue, celle de pouvoir connaître la réalité uniquement par une analyse objective. Heureusement, nous ne fonctionnons pas ainsi car, comme l’affirmait Dostoïevski,

 

« Si tout sur terre était rationnel, il ne se passerait rien ».  

 

Il existe même une industrie millionnaire qui, bien consciente de tout ça, alimente le doute pour vendre, en nous convaincant que, tout seuls, nous ne pouvons pas « nous en sortir ». Le doute empoisonne lorsqu’il crée, puis entretient, un dialogue intérieur qui démonte /sabote tout ce que nous souhaitons entreprendre ou réaliser dans la vie.

 

 

Alors, comment faire « la part des choses » ?

 

Comment nos habitudes, comportements mais surtout, notre relation avec nous-mêmes peuvent nous aider à éclaircir nos doutes ?
Voici quelques pistes :

 

1. Toute question n’a pas de réponse ! Un doute doit partir d’une question qui peut avoir une réponse. Cela paraît banal, mais c’est tout le contraire. Souvent, nos difficultés à trouver une réponse est due à la question, inexacte ou inappropriée :

 

« les questions que nous nous posons déterminent l’exactitude des réponses » .

(E. Kant).

 

Il n’existe donc pas de réponses correctes à des questions incorrectes … Ce qui nous mène à nous demander, nécessairement : comment reconnaître une question incorrecte ? Du point de vue de la logique formelle, ce sont toutes les questions appelées indécidables : il s’agit d’énoncés qui ne peuvent pas avoir qu’une réponse de type oui/non ou une seule réponse valide, mais pour lesquelles toute réponse ouvre la voie à une autre question, en générant une boucle qui entretient et renforce le doute initial, dans un vrai labyrinthe. Concrètement, ce type d’énoncé peut être détecté par deux « réducteurs de complexité », des exemples d’incipit de la question même : le premier « Et si …. ? » le deuxième, qui devrait nous alerter outre mesure, car employé extrêmement souvent, est « Pourquoi … ? ».

 

 

2. Ecoutez plusieurs sources d’information. Les médias offrent une vision manipulée du réel. Plus que ça, chacun de nous « filtre » ses expériences par son propre point de vue. Multiplier les points de vue nous permet d’avoir un cadre plus ample de la situation. En l’absence de sources extérieures, considérez au moins cinq points de vue différents sur la question analysée (ex. : le vôtre, celui de votre meilleur ami·e, celui d’une personne que vous admirez, celui d’une personne que vous détestez, celui de votre grande mère … ). Autrement dit, avec les mots d’Heinz Von Fœrster

 

« Agis toujours en sorte d’augmenter le nombre de choix possibles »

 

3.      Cadrer l’analyse. Il est désormais prouvé que « trop de choix tue le choix » (Barry Schwartz, « Le Paradoxe du choix ») alors une fois que l’on a étudié la question, recueilli informations, démultiplié les points de vue, fixer un temps et dire stop. Arrêter la recherche, le réexamen rationnel, sous peine d’engendrer le « looping » cité au point 1., qui nous enlise au lieu de nous éclaircir la voie. 

 

4.      Enfin, quoi faire lorsque le doute nous envahit « spontanément » ? Lorsqu’on rumine et nos pensées deviennent une persécution ? Penser de ne pas penser, est déjà penser. Donc, pour éloigner une pensée, à rien ne vaut la chasser. Particulièrement, avec un doute, plus on le chasse plus on le légitime en le rendant raisonnable. Ce faisant, nous le prenons en considération, nous cherchons à donner une justification à sa manifestation. Inconsciemment, nous lui attribuons des « lettres de noblesse » ! Ce qu’est le plus fonctionnel, donc, est de faire exactement l’inverse, c’est-à-dire de « rendre l’ennemi notre ami » en l’invitant à parler : accueillir ces pensées en les couchant sur papier, par exemple, permet de « faire la paix » avec elles, en réduisant leur pression sur notre mental. 

 

Pour terminer, une fois ces quelques stratégies testées,

 

 « Si vous ne pouvez pas vous décider entre faire ou ne pas faire quelque chose, faites-la : au pire, vous apprendrez une leçon ».

(G. Gurdjieff)

 

Article librement inspiré par le travail de la Dre. Moira Chiodini, Psychologue, Psychothérapeute, chercheuse associée et professeure au Centre de Thérapie Stratégique et à l’École de spécialisation en psychothérapie brève stratégique de Arezzo (IT), Professeure en Psychologie à l’Université de Florence, conférencière en Italie et à l’étranger et auteure de plusieurs livres et publications.

 

Pour aller plus loin : 

 

Cogito ergo suffro – G. Nardone – Ed. Ponte alle Grazie 

 

Le Paradoxe du choix – B. Schwwartz – Ed. Marabout

 

Le mythe de Sisyphe – A. Camus – Ed. Gallimard

Le succès vaut zéro, l'insuccès compte double

07/04/2024

Le succès vaut zéro, l'insuccès compte double

Que signifie l’expression « Le succès vaut zéro, l’insuccès compte double » ?


C’est une attitude bien réelle, qui appartient à tous ceux qui dévalorisent leurs succès, tandis qu’ils exagèrent la portée de leurs échecs. Et cela peut devenir inadéquat, dysfonctionnel à la vie professionnelle ou personnelle de la personne, en lui occasionnant pléthore de tracas, allant de l’épuisement physique jusqu’aux problèmes relationnels.

 

La personne qui adopte cette attitude se sent souvent inadéquate et expérimente une carence chronique dans le jugement de soi et de ce qu’elle fait. Elle ressent de ne jamais avoir de ressources et de capacités suffisantes ; parfois elle peut éprouver une forme de culpabilité liée à cette « insuffisance ». Physiquement, ce ressenti se traduit en une grande fatigue, ce qui n’est pas étonnant en soi : chaque jour elle livre une vraie bataille, pour démontrer avant tout à soi-même sa capacité ou sa valeur. De plus, ce mécanisme est souvent très chargé émotionnellement, ce qui ajoute une fatigue émotionnelle tout aussi importante.

 

Dans le domaine scolaire ou universitaire, par exemple, il peut s’agir de l’étudiant qui se prépare consciencieusement pendant des mois pour passer un examen, tout en ressentant la même tension du jour d’examen tout le long de sa période de préparation. Le jour J, si l’étudiant passe l’examen avec les meilleures notes possibles, interpelé sur son insatisfaction, il répondra : « oui, je l’ai eu, mais c’est parce que les questions étaient étonnamment simples … », tandis que l’insuccès, qui peut arriver à quiconque et pour plein de raisons, il l’évaluera comme catastrophique : en somme, pour lui, les comptes ne tournent jamais ronds !

 

On pourrait dire que la conscience morale de cette personne est presque persécutrice : constamment, elle se fait des reproches, elle est éternellement insatisfaite, parfois même se définit comme étant « ainsi faite », comme si cette incapacité était un stigma de naissance, un désavantage biologique, qui l’empêche d’avoir les caractéristiques « gagnantes » qu’elle attribue aux autres.

 

« Les autres », sont d’ailleurs toujours idéalisés, pour les ressources qu’elle leur reconnait : qu’il s’agisse juste d’une désinvolture, ou d’une capacité d’atteindre des objectifs sans succomber à l’anxiété … ces autres, peuplent et nourrissent le dialogue intérieur du sujet, plus qu’exigeant :  il n’a de cesse d’« essayer » de bien faire, tout en se disant « j’y vais mais cela ne marchera jamais ».   Et si d’aventure cela marchait, ce ne serait de toute façon pas suffisant : du coup, jamais il n’atteint le plaisir, jamais il ne ressent d’avoir franchi la ligne d’arrivée.

 

Il ne s’agit donc pas d’une personne qui craint le jugement d’autrui : elle a plutôt une tendance à idéaliser les autres, mais nul besoin de démontrer aux autres quoi que ce soit, lorsque son juge le plus sévère on le porte en soi. Contrôlant, obsessionnel, implacable, impitoyable, persécuteur : ce juge intérieur prend tellement de place qu’il empêche tout élan positif, toute appréciation d’un résultat quelconque : jamais la personne en question ne se sentira à la hauteur, à sa juste place.

Cette sensation entraîne une fatigue constante, qui ne peut être soulagée, une démoralisation, la conviction de ne pas être capable de gérer telle ou telle autre situation, ou parfois de décevoir. Logique conséquence : l’évitement. La personne en question commence à éviter les situations qui lui engendrent ce ressenti d’ « échec annoncé ». Mais si cet évitement permet un soulagement dans l’immédiat, son effet secondaire en est la confirmation de sa propre incapacité, qui peut se résumer dans la phrase-type : « j’avais bien raison de ne pas tenter, je ne peux pas compter sur moi-même ». En structurant ainsi son dialogue intérieur, évitement après évitement, la personne se braque dans une attitude de renonciation préventive, qui peut conduire à une réelle pathologie (le « syndrome de l’imposteur ») ou à une manifestation de type dépressif.

 

Une autre caractéristique visible de cette dynamique est l’irritabilité, due à la sensation que « tout devient un obstacle », qui en fait un très bon patient des cardiologues et des médecins. Paradoxalement, dans une société qui pullule de coachs, de techniques de développement personnel, de la performance, du dépassement de soi, cette problématique affiche une croissance significative.

 

Qui peut être concerné par cette dynamique de pensée ?


Ce qui surprend est le fait qu’il s’agit pour la plupart de personnes de succès, qui avancent dans la vie, plutôt que de personnes que réellement « n’y arrivent pas ».

 

Ce sont des personnes qui ont toujours été exigeantes envers elles-mêmes et de ce fait elles ont développé énormément de ressources : bosseuses, elles ont développé un beau potentiel et réalisé beaucoup de choses, dépassé plein de difficultés, gagné plein de défis.

 

Alors, me direz-vous, il est où le problème ? En effet, l’attitude ici décrite n’est pas un problème, ni un défaut au sens commun du terme ; elle n’est pas foncièrement mauvaise, car c’est l’attitude qui nous pousse vers l’avant, à nous améliorer constamment. Ce n’est que lorsqu’elle se structure comme une pensée rigide, qu’elle peut se réveler lourde à porter, jusqu’à devenir invalidante. Pour utiliser une analogie, nous pourrions voir cette personne comme une voiture sportive qui court un rallye : elle est équipée d’un moteur puissant et a eu une très bonne préparation technique, mais tout le long du parcours elle avance le frein à main serré … du coup, pas simple la performance et surtout, pas de satisfaction à gagner le podium !

 

 

Il s’agit d’une croyance, qui peut se structurer rationnellement jusqu’à devenir une conviction. La mauvaise nouvelle est qu’aucune croyance ne peut être invalidée, car aussi bien pour nos croyances utiles que pour celles dysfonctionnelles, « tout ce qui est cru existe et rien d’autre » (Hugo von Hoffmannsthal). Il n’y a aucun moyen de contredire une croyance : soit on en reste prisonnier, soit on en sort.

La bonne nouvelle : sortir de la prison d’une croyance qui ne nous fait pas (ou plus) du bien, est possible : un changement de perspective, est bien souvent la clé de voute.

 

Choisir de construire petit à petit un regard différent à porter sur soi, sur ses capacités, sur son expérience, va pouvoir d’abord faire vaciller cette croyance, puis la fêler jusqu’à la démonter, pour faire place à une vision de soi plus ample, plus « aérée », plus bienveillante.

Il s’agit de choisir d’avancer en desserrant le frein à main, pour retrouver une qualité de vie appréciable et lancer sa voiture à toute vitesse ; autrement dit, il s’agit de redimensionner son juge intérieur, en lui insufflant un peu de souplesse, de flexibilité, en s’autorisant aussi bien l’insuccès que le succès : un levier plus puissant qu’on ne pourrait le croire, car, comme l’affirmait F. Nietzsche, « ce qui détermine le destin de l’homme est l’opinion qu’il a de soi-même ».

 

Credits : Article inspiré par une conférence d'Emanuela Muriana, Psychologue, psycothérapeute clinicienne à Florence depuis 1990 ; professeure de technique de la psychothérapie brève stratégique à l’école de spécialisation en psychothérapie de la Faculté de Médecine et chirurgie de l’université de Sienne pendant dix ans, et à l’école de spécialisation de Arezzo et Florence, depuis 1994; superviseure clinicienne de psychothérapeutes ; enseignante dans plusieurs masters de spécialisation en Italie et à l’étranger. 

L'essentiel de l'approche stratégique en coaching

03/03/2024

L'essentiel de l'approche stratégique en coaching

Le mot « stratégie » est aujourd’hui aussi fréquemment employé que le mot « coach ». Et tout comme ce dernier, il est souvent utilisé de façon inappropriée. 

 

Ce qui n’arrange rien, lorsque l’on cherche à savoir qui est un coach, et moins encore lorsqu’on essaie de comprendre qui c’est un coach stratégique et ce qu’il fait.

 

Je reviendrai, dans un autre article, sur la profession de coach et sur comment la distinguer de tout ce qui n’est pas du coaching. 

Aujourd’hui, je souhaite commencer par clarifier un tant soit peu ce qu’est l’approche stratégique en coaching : c’est quoi donc, sa quintessence, sa substantifique moelle ?

 

Un maximum de résultats dans un minimum de temps

 

Le terme stratégique indique qu’il s’agit d’une approche qui permet d’obtenir un maximum de résultats souhaités dans un minimum de temps et avec le moindre effort possible. Elle peut être appliquée à 360° : dans la thérapie clinique, c’est-à-dire chez un psychologue formé à cette approche, pour résoudre des problématiques allant de la simple difficulté jusqu’à des troubles sévères, ou bien dans le coaching, dans ses déclinaisons orientées à atteindre des objectifs ou améliorer une performance. 

 

En coaching, on peut donc affirmer qu’elle a pour but d’aider les personnes à s’améliorer, à dépasser des difficultés, qu’elles rencontrent pour des situations ou circonstances particulières. Il s’agit d’une approche basée sur les mêmes critères substantiels que la recherche scientifique, c’est-à-dire qu’elle est 

 

  1. Efficace : elle atteint l’objectif fixé
  2. Efficiente : elle y parvient dans des temps courts
  3. Généralisable : elle peut être appliqué par tous ceux qui soient formés de façon adéquate à l’utiliser
  4. Prédictive : au moment où l’intervention est mise en place, l’action est très ciblée et spécifique pour la typologie de problème ou objectif à traiter, en utilisant des stratégies spécifiques et en prévoyant quelles actions faire au moment même de débuter l’intervention
  5. Autocorrective : elle ne repose pas sur une théorie « rigide », auto poïétique, où « si les faits ne concordent pas avec la théorie, tant pis pour les faits » (Hegel), mais au contraire, s’appuie sur la connaissance du problème par sa solution, en adoptant ce que les initiés appellent une « recherche-intervention ». Concrètement : on cherche à découvrir « comment fonctionne le problème » en intervenant dessus et en analysant avec la personne intéressée, toutes les solutions adoptées pour essayer de le résoudre. Au fur et à mesure que son fonctionnement se dévoile, on « ajuste le tir » en ciblant les techniques les plus efficaces pour parvenir à le régler.

 

 

Une intervention à plusieurs niveaux
 
Le modèle stratégique travaille à trois niveaux : la communication, la relation et la technique. 

 

En ce qui tient aux aspects de relation et de communication, qui sont étroitement liés, il nous faut partir d’une considération : le genre humain est composé d’êtres « relationnels » et ce, qu’ils soient considérés individuellement ou bien à l’intérieurs de systèmes plus ou moins importants (famille, cercle amical, entreprise, etc…). Or, l’approche stratégique s’applique à la fois aux individus et aux systèmes, car il intervient au niveau de la relation.

 

Mais quelle relation ? Eh bien, toutes ! En tant qu’êtres relationnels nous ne pouvons pas ne pas interagir, ne pas communiquer. Nous communiquons constamment, par exemple, avec nous-mêmes, via le dialogue intérieur. Et nous communiquons aussi constamment avec les autres, même en restant en silence : notre corps, notre visage et notre silence communiquent pour nous un « laissez-moi tranquille » sans possibilité d’équivoque …  

 

Dans cette optique, comme le soutenait Zygmunt Bauman, « l’échec d’une relation est presque toujours un échec de communication ».

 

L’approche stratégique intervient à la fois sur la relation de l’individu avec soi-même, avec les autres et aussi, last but not least, sur la relation qui s’instaure avec le coach. En effet, si la dynamique créée par le coach n’est pas fonctionnelle au travail à accomplir au cours de l’accompagnement, elle engendrera une résistance accrue chez le coaché, voire même un refus de travailler avec le coach. 

En ce qui concerne la technique, elle comporte une série de stratagèmes d’intervention, parfois plus voilés, parfois directs et explicites, qui sont mis au point d’une telle manière à s’assurer d’atteindre l’objectif fixé. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si l’une des premières questions posées par le coach est : « que devrait-il changer dans ta vie, pour me dire merci ? ».

 

Une fois l’objectif fixé, le coach construit avec le coaché un parcours de changement qui débute par ses sensations et perceptions de la réalité qu’il souhaite changer. Par des indications de comportement données par le coach, le coaché fait l’expérience de différentes « façons de faire » qui entraîneront chez lui des ressentis différents. Ces ressentis modifieront sa perception vis-à-vis de cette même réalité, jusqu’à ce que le changement ne soit pas seulement perçu comme souhaitable, mais plutôt comme étant la seule alternative praticable. Enfin, le coach et le coaché conscientisent et élaborent ensemble le changement qui s’est produit, afin de l’ancrer et d’en stabiliser les effets sur la durée.

 

Clairement, les trois aspects de communication, relation et technique ne seraient qu’un cumul de règles stériles, sans la flexibilité de la part du coach, qui lui permet de considérer le « facteur humain », c’est-à-dire le coaché dans son originalité, son unicité, son vécu, sa façon de percevoir la réalité, les relations et d’y interagir. De ce fait, l’accompagnement est « cousu sur mesure » sur la personne et sur la situation, telle qu’elle l’amène.

 

Concrètement, quels sont les « outils » employés ?
 
L’efficacité et efficience de l’accompagnement tient aussi bien à l’utilisation pertinente des techniques et stratagèmes de l’approche, qu’à la qualité de la relation instaurée entre coach et coachée. Or, pour pouvoir construire une interaction fonctionnelle avec le coaché, le coach a besoin d’outils de communication adéquats, qui tiennent compte aussi de l’émotivité du coaché, de son histoire, de sa sensibilité. En effet, si le coach communique de façon adéquate, le coaché sera persuadé à le suivre dans le processus d’accompagnement. Pour autant, ce processus ne sera pas le résultat d’une « transmission de savoir » d’un « sachant » ou un « expert » mais sera une découverte conjointe, un chemin où soit on gagne tous les deux, soit on perd tous les deux.

 

Les outils de communication sont les mots, en premier lieu. Et ces mots seront soigneusement choisis pour être toujours adaptés à l’interlocuteur, à son registre linguistique, mais aussi, autant que possible, à son contexte culturel.

 

En plus des mots « justes », le coach fait usage des suggestions, d’images évocatrices, qui permettront de déclencher le changement souhaité, ou la résolution du problème.

 

En même temps, la communication non verbale et para verbale accompagnent toujours l’intervention du coach, en ajoutant emphase et efficacité au « noble art de la persuasion » tel qu’énoncé par le Professeur Nardone. 

 

La communication est un ensemble d’actes, de comportements, de gestes qui permettent d’influencer l’autre et de s’en laisser influencer. Tout le secret de l’approche stratégique consiste à ne pas subir ces influences, mais à les utiliser comme des leviers, qui nous rapprochent de nos objectifs.

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