Les mécanismes du blocage décisionnel

“Un homme doit choisir. En cela réside sa force : le pouvoir de ses décisions.” Paulo Coelho.

Les humains, une espèce condamnée à décider.

Avez-vous déjà pris conscience que nous sommes tous condamnés à prendre des décisions, quelle que soit la situation ? Même le simple fait de ne pas décider est en soi une décision. Nous sommes constamment confrontés à cette réalité : peser les pour et les contre, envisager les conséquences, et finalement choisir une option parmi plusieurs.

Décider est une part intégrante de notre nature humaine, aussi inévitable que la couleur de nos yeux. Chaque jour, dans tous les aspects de notre vie, nous prenons des milliers de décisions. Selon une recherche publiée par le géant de la téléphonie Huawei en 2017, nous prenons en moyenne environ 35 000 décisions par jour. Etymologiquement, décider vient du latin "de-cædere", signifiant "recouper, abattre, trancher", soulignant ainsi l'acte de choisir une option en tranchant les autres possibles. 

Or, plus une décision est perçue comme importante, ou ayant un impact émotionnel élevé, plus elle devient difficile à prendre. L'incertitude quant aux résultats futurs complique encore davantage le processus décisionnel.

Décision

Comment sortir de l’impasse décisionnel ?

En effet, d’un point de vue temporel, prendre une décision, se situe dans le futur en ce sens qu’opérer un choix, équivaut toujours à faire une projection dans le futur ; futur qui est, lui, par définition, inconnu et incertain. 

Nous pouvons en prédire une partie, certes, sur la base de notre bagage d’expériences passées et des éléments de connaissance présents, dont nous disposons. Le passé détermine notre réaction devant certaines situations présentes, par similarité avec d’autres, vécues précédemment. Cependant, contrairement à ce que nous pourrions penser, ce n’est pas tellement notre passé, mais plutôt nos projections dans le futur qui influencent énormément nos actions présentes : par exemple, notre dernière action avant de nous endormir, est de mettre le réveil pour le lendemain …

Donc, prendre des décisions a cette caractéristique fondamentale, d’appartenir au futur, un futur que nous ne pouvons connaître à l’avance, pour la simple et bonne raison qu’il ne dépend pas uniquement de notre contrôle

Et c’est là, dans l’effort de contrôler l’incontrôlable, que nous allons en tilt, en percevant que personne, ne peut nous dire si une décision que nous allons prendre sera la bonne et aucune technique ne pourra nous le garantir. Toutes les dizaines de méthodes de decision-making, projection, savant calculs, dashboards et études de marché qui ont fait la fortune des consultants et sont utilisés à profusion dans les entreprises, ne pourront jamais produire une certitude. 

Alors je réitère ma question : comment sortir de l’impasse ? 

On n’en sortira pas, car on rentre dans le domaine des paradoxes. Notre condition humaine nous oblige à prendre des milliers de décisions chaque jour et ce, sans aucune certitude que nous déciderons pour le mieux et sans aucune aide efficace à cette prise de décision. 

Les paradoxes liés à la prise de décision

En revanche, nous allons pouvoir détecter trois paradoxes qui entraves souvent notre capacité à prendre des décisions :

1.       L’excès d’information peut paralyser le processus décisionnel en introduisant trop d’options (voir mon article « L’ombre d’un doute »). Dans un monde hyperconnecté où l'information est abondante, choisir peut devenir accablant. Nous sommes submergés par des données, des opinions et des recommandations, ce qui rend difficile la prise d'une décision éclairée : les variables de raisonnement sont trop nombreuses. N’avez-vous jamais remarqué combien de temps vous passez à choisir un film sur Netflix ? Hormis les séries, pour lesquelles on va à coup sûr, vous commencez à « scroller », en faisant défiler les titres … tiens, une bande d’annonce sympa, mais peut-être y a-t-il un autre titre plus intéressant ? Les minutes, les demi-heures passent, jusqu’à ce qu’il se fasse trop tard et que vous vous endormiez après les premières 15 minutes de votre film choisi …

2.     L'accumulation de connaissances complexifie le raisonnement, ajoutant des variables auparavant inconnues et rendant la décision encore plus difficile. Plus nous en savons, plus nous sommes conscients des implications de nos décisions et plus cette connaissance accrue peut nous rendre hésitants.

3.     Demander l'avis des autres peut soit clarifier soit compliquer la décision, selon le niveau de confiance accordé à ces avis. Si nous avons confiance en la personne consultée, son avis peut nous aider à éclaircir nos idées et débloquer notre décision. Cependant, si nous accordons peu de crédit à l'avis donné, cela peut simplement ajouter à la confusion et au doute.

Blocage décision

L’après : comment savoir si une décision prise est « la bonne » ?

Il n’existe pas de « bonne » ou de « mauvaise » décision, objectivement parlant. Le contexte, les personnes impliquées et les conséquences jouent un rôle crucial dans l'évaluation d'une décision. Face à cette incertitude, interagir avec nos choix et évaluer leurs effets immédiats peut nous guider vers une décision plus adaptée : s’ils ne nous conviennent pas, nous ferons un pas en arrière et reprendrons une décision et ainsi de suite, jusqu’à nous approcher au plus près de la bonne décision par rapport à nous-mêmes, à nos intentions, besoins, objectifs, contraintes.

Sensations et décisions une bataille impair ?

La peur est souvent un obstacle majeur dans le processus de décision. De quoi avons-nous peur, au moment de décider ? De ne pas pouvoir en gérer les conséquences. 

Donc voilà à quoi se résume la prise de décision : à la gestion de la peur. Et si, comme le souligne Dan Brown, 

« Les décisions de notre passé sont les fondations de notre présent », 

Nous ne sommes que le produit des peurs que nous avons dépassées et des scénarii que nous avons gérés, en conséquence des décisions que nous avons prises. Or, il existe beaucoup de techniques pour dépasser ses peurs, beaucoup de stratagèmes. Néanmoins, en ultime analyse, une seule question mérite d’être posée : 

« Une fois cette décision prise, serais-je capable de gérer les difficultés qu’elle peut-engendrer ? » 

Autrement dit, questionnons nos ressources. Étudions les scénarii qui s’ouvrent à nous, suite aux différents choix possibles : ressentons-nous avoir les ressources pour gérer chacun d’entre eux ? Si la réponse à cette question est non, deux sont les options : décider de ne rien faire (et gérer le scénario qui en découle …) ou travailler sur notre incapacité de gestion des difficultés évoquées. J'aimerais conclure en reprénant les mots de l’écrivain arménien Gurdjeff, 

Face à l’indécision de faire ou ne pas faire quelque chose, faites-la : au pire, vous apprendrez une leçon.

Crédits : Article inspiré par une conférence de Stefano Bartoli, psychologue, coach, auteur, enseignant et Directeur des opérations du Centre de Thérapie Stratégique fondé par Giorgio Nardone et Paul Watzlawick à Arezzo – Italie.